28 févr. 2014

Le Livre: Transwonderland Retour au Nigéria de Noo Saro-Wiwa

Littérature Africaine Transwonderland Retour au Nigéria de Noo Saro-Wiwa

Je m'étais promise de lire plus de romans écrits par des auteurs de la diaspora africaine. Aujourd'hui, je vous parle de Transwonderland Retour au Nigéria de Noo Saro-WiwaCe livre m'a été proposé par Agathe et j'ai pris du plaisir à le lire tant je m'identifie bien au personnage principal Noo.


Retour au Nigéria de Noo Saro-Wiwa: 4e de couverture

Longtemps, le Nigeria avait été pour Noo Saro-Wiwa comme un univers parallèle qu'elle retrouvait chaque été, retrouvailles qui sonnaient pour la petite fille élevée en Angleterre comme une punition avec le manque de confort, l'insalubrité, la vie misérable des habitants et l'absence de télévision... Elle pensait bien ne jamais y remettre les pieds - depuis ce jour de 1995 où son père fut exécuté par les sbires du dictateur Sani Abacha.

Autant dire que ce retour au pays ne sera pas de tout repos. Un exorcisme, plutôt, de ses peurs et de ses désillusions avec ce sentiment d'être écartelée entre deux mondes, dont l'un lui est presque inconnu. De l'exubérance chaotique de Lagos, vécue d'abord dans l'effarement, la colère, le rejet - mais ce chaos n'est-il pas aussi une centrale d'énergie, où s'invente l'Afrique de demain ? -, à la beauté calme des montagnes de l'Est, de l'excentricité effervescente de Nollywood à Port Harbour, plongé dans l'enfer du pétrole.
De bus improbables en motos-taxis suicidaires, bousculée, indignée, attendrie, intriguée, séduite, parfois malgré elle, c'est à un voyage tout simplement extraordinaire, entre rires et larmes, tendre et passionné, que nous convie Noo Saro-Wiwa. Un voyage à la découverte d'elle-même tout autant que de son pays.
Salué dès sa parution, en 2012, comme une oeuvre exceptionnelle tant aux États-Unis qu'en Grande-Bretagne, Tranwonderland a été classé par le Guardian dans les dix meilleurs livres écrits sur l'Afrique contemporaine.

Noo Saro-Wiwa est née dans le sud du Nigeria en 1976. Elle est la fille de Ken Saro-Wiwa, écrivain, producteur de télévision et militant écologiste engagé. Elle vit à Londres. Transwonderland, retour au Nigeria est son premier livre.

Retour au Nigéria de Noo Saro-Wiwa: Ma revue

Retour au Nigeria, publié en 2012, est le récit du voyage de Noo Saro Wiwa dans son pays natal le Nigéria après une longue d'absence.
Gardant des souvenirs amers du Nigéria (des vacances estivales vécues comme un châtiment, son père assassiné pour son engagement contre la corruption), Noo choisit de faire un road trip en touriste à travers son pays avec l'angoisse de faire un pas vers l'inconnu. 

L'action se déroule dans les années 2000 et nous fait découvrir la palette colorée de tous les Nigérias tant ce pays est grand et culturellement riche. Le livre est un condensé d'informations historiques, politiques, économiquement et géographiques. L'auteur nous embarque dans sa découverte de Lagos, la ville grouillante jusqu'au village quasi-préhistorique de Sukur en passant par la pimpante mais ennuyeuse Abuja.

Quelques personnages ont retenu mon attention: le vieux Julius qui trouve étonnamment une certaine quiétude dans le chari-vari de la vie à Lagos. Teco Benson qui nous fait découvrir les débuts et la recette du succès de l'industrie Nollywood, la révoltée Faith Odele, présidente de l'association des étudiants de l'université d'Ibadan, Harry et Zanna, résignés devant l'inertie du gouvernement dans la protection des espaces naturels de Dagona et le roi Gizik. J'ai d'ailleurs été surprise de croiser un Indien au milieu de tout ce chapelet de personnages. 

J'ai découvert la cérémonie du Durbar, un temps fort du calendrier culturel Hausa-Peul à Kano. Le Durbar est un défilé militaire coloré des nombreux fils de l'Emir qui déploient leurs talents équestres. Le spectacle semble se dérouler dans une dimension parallèle où les gens ont su garder leur tradition. L'auteur se/nous pose la question suivante: "Ne serait-il pas triste de voir disparaître ce genre de manifestation au nom de la modernité?"

La condition de la femme m'a laissée perplexe car elle est plus complexe que ce que l'on voit en surface. 
De prime abord, les femmes ne sont pas libres à Kano, zone régie par la charia. Elles rasent les murs, se soumettent aux hommes et ne participent pas aux activités visibles, n'acceptant de poste à responsabilité que si elles sont sous les ordres d'un homme. "La charia est hypocrite. On l'a d'abord introduite pour contrôler les femmes". Mais en poursuivant la lecture, on découvre que les femmes possèdent la plupart des commerces mais en laissent la gestion à leurs maris et fils. Avec une vision féministe occidentale, il est difficile de comprendre ce "choix" de soumission. 

Une situation m'a laissée perplexe. Devant le peu de volonté de l'Etat à investir dans ses musées, se pose la question de la conservation des antiquités dans le pays d'origine ou dans les musées occidentaux. "Une partie traîtresse de mon esprit décida de faire la paix avec les musées étrangers qui gardaient nos antiquités; au moins elles jouissaient d'une plus grande sécurité, y étaient mieux entretenues et les foules pouvaient les admirer. Sans la présence de nos œuvres à l'Ouest, le monde serait encore plus ignare de l'histoire du Nigéria". 
C'est l'argument fort des Pays Occidentaux pour justifier leurs mains mises sur les objets et sur la manne financière engrangée par la visite de ces musées. Nos pays Africains gagneraient à investir pour rapatrier ces objets et les conserver correctement. Combien ont lancé la démarche ? Affaire à suivre !


Tout au long du récit, on découvre un Nigéria corrompu à tous les niveaux
"Au Nigéria pour être reconnu, il faut voler (...). Si vous travaillez pour l'Etat et que vous rentrez chez vous les mains vides, votre peuple pensera que vous n'avez pas utilisé votre tête à bon escient." 

Il est assez ahurissant de découvrir tous les éléphants blancs du Nigéria (Transwonderland, Tinapa...). Des projets qui ne sont qu'un prétexte pour servir les intérêts des acteurs corrompus du gouvernement.

Le pétrole est la manne empoisonnée qui fait ressortir la cupidité des personnes au pouvoir. La conclusion de Noo après sa visite de Sukur. "Pendant une seconde j'eus envie que ce pays revienne à l'âge de fer. Un endroit où il serait facile de combler le fossé entre attentes et réalité. Un lieu où être à la merci des caprices de la nature, plutôt que prisonnier de la main de fer de la corruption, où le chef miraculeusement humble écouterait nos doléances. Le paradis."

Dans ce contexte de corruption, les Nigérians se sont tournés vers la religion évangélique. 
"Selon la Bible Dieu a créé la terre en six jour et s'est reposé le septième mais avait-il conscient, en créant les Nigérians, que ce serait son dernier jour de repos à lui?". 

C'est ainsi que l'on peut rencontrer des prédicateurs qui dispensent consciencieusement leur prêche dans les bus et que des alléluias s'élèvent à tous les coins de rue, à la télévision ou à la radio avec des "formules complètes pour vaincre les difficultés de la vie".

Noo-Saro-Wiwa commence son voyage en cherchant ce qui prouvera que Le Nigeria vaut la peine d'être visité 
"Comment un pays de millions d'habitants qui s'étendait de la forêt tropicale humide (...) jusqu'aux confins du Sahara pouvait-il manquer d'intérêt?" 

L'auteur critique clairement le gouvernement et les Nigérians mais toujours dans le but ultime de trouver un moyen de sortir son pays de la gangrène qui le ronge. Elle n'a pas la réponse à toutes questions mais en fin de voyage, son opinion sur son pays est plus nuancée qu'au départ.

Mes impressions en lisant le roman : L'atmosphère chaotique qui règne à Lagos m'a oppressée dès le début du livre. Lagos est une ville dure où l'insécurité est la norme et personne ne viendra vous sauver. 
"Ici Les policiers étaient à la fois des prédateurs et des gardiens et tout le monde le savait."

Je m'identifie très fortement à Noo car, comme elle je me suis habituée à mon confort individualiste occidental et je vis ce conflit interne entre mes deux identités: celle de mon pays où je suis née et celle d'enfant de la Diaspora où je me suis construite en tant que femme. Comme Noo, je serai toujours celle qui vient de Mbeng (l'Occident), reconnaissable à mon accent et qu'on essaiera toujours de surtaxer. Comme elle je me demanderai toujours comment faire passer la notion d'intérêt général de la nation au-dessus de celui des individus. Je pense aussi faire un road trip au Gabon un jour pour mieux le connaître, pour mieux me connaître. 

Retour au Nigéria de Noo Saro-Wiwa


Comme les livres ne font pas long feu dans mon sac à main (ils finissent toujours écornés ou maculés de taches de gâteau ou de rouge à lèvres), j'ai eu l'idée de le mettre dans cette petite pochette en tissu wax (le "packaging" de mon tote bag Massira Keita) . J'étais assez amusée de voir le regard surpris de mes voisins de métro quand ils me voyaient sortir mon roman de ma pochette wax, Ingénieux n'est-ce pas?   

A lire aussi: The Help - La couleur des sentiments

Besos!

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