21 févr. 2013

Etre Etranger à la Préfecture




Comme je vous le disais, on m'avait dit qu'au pays des Blancs ma vie serait facile. On m'a menti ou on ne m'a pas tout dit. Notamment au sujet du titre de séjour.
Je dépends de la préfecture de Bobigny (département 93). Autant dire que je pars mal dans la vie. 
Oui, parce que Préfecture de Bobigny équivaut à  jungle à peine améliorée.

Pour ceux qui ne connaissent pas le service Étrangers de la préfecture en France, je vais faire un petit topo.
Pré-requis avant d'entrer au service Étrangers
- Arrangez-vous pour que votre période de dépôt /renouvellement tombe en Juin. Pour être franche, Si ladite période tombe en hiver, vous partez très mal dans la vie. Dans mon cas, je tombe toujours en hiver. Bad luck.

- Regardez la météo la veille de votre périple  Préparez-vous en conséquence  Si si, ne faites pas les téméraires. Dites-vous que c'est un peu une épreuve de survie sans bonus d'immunité. Si c'est l'hiver, doublez chaussettes et sous-pulls, prenez un bon gros jean brut, l’écharpe en laine bien chaude, le cache-oreilles... Enfin bref, un peu comme si vous deviez survivre sous une avalanche. En général, vous attendrez dehors, sans abri, donc s'il pleut ou s'il neige... Et au fait, pas la peine de prendre un livre en hiver si vous n'avez pas de gants, aucune main ne survivra à l'exercice.

- Armez-vous du calme le plus intense, de la diplomatie la plus exacerbée et dépouillez vous de toute susceptibilité, vous ne survivrez pas sinon.

Mon dernier passage à la Préfecture ce matin fut le plus épique de toute ma carrière d'immigrée.

J'arrive à 6h. Le peuple devant moi... Normal.
Le service ouvre à 8h30 avec 10 mn de retard systématiquement. Ça fait du temps à passer debout dans le froid. Les 30 dernières minutes sont les pires, votre corps vous disant clairement "vas te faire f*****!".A la préfecture de Bobigny, je découvre  qu'il y a un commerce parallèle au vu et au su de tous: des gens passent dans les files pour vendre aux "patienteurs" écharpes, café et divers. Histoire de nous rendre la vie plus facile dans la file d'attente.

Bon ça ouvre enfin. Un premier agent, après explication de ma requête (un récépissé à récupérer), me dit de faire la queue pour la Porte 1. L'affiche devant moi dit pourtant que je devrais être en Porte 2. Il insiste en haussant le ton donc je change de file. J'ai perdu du temps dans la file Porte 2 pour rien... Mais comme on n'a que ça à faire...

Je fais donc la queue kilométrique de la Porte 1. Juste quand j'arrive devant ladite porte, un deuxième agent me dit que je me suis trompée de file et que je dois refaire la queue pour la Porte 2 (souvenez-vous j'y étais déjà ..). A ce moment, j'ai juste envie d'expliquer à ces 2 agents pourquoi j'ai envie de leurs briser les genoux avec leurs matraques, mais je m'abstiens parce que ce genre d'envies me conduirait tout de suite en cellule carcérale.

Je refais donc la queue de la Porte 2 et on me donne donc un ticket disant qu'il y a 117 personnes avant moi.


117 personnes avant moi. J'ai le temps de mourir, aller dans le séjour des morts et ressusciter. Bon... Je rentre et je m’assois pour observer les choses. Je patiente dans une grande salle pleine et bruyante avec bébés qui pleurent accompagnés de "tu pleures quoi?? tu veux que je te donne une bonne raison de pleurer??" et vieux qui se mouchent bruyamment. Tout ce que j'aime.

Il y a des guichets clairement réservés pour personnes "prioritaires" avec une dame qui appelle les numéros au micro. Il y a également des guichets classiques pour nous les "non-prioritaires". Combien  de guichets? Eh bien mes amis, pour les centaines que nous sommes, ils ont ouverts DEUX guichets, DEUX! Une envie de m'asseoir par terre et pleurer sur ma vie gâchée. Pour mettre un peu de sucre sur notre gâteau  il y a aussi un stock de gens "prioritaires" qui sont reçus aux guichets "non-prioritaires" SANS TICKET! En résumé INrespect sincère des gens non-prioritaires qui attendent désespérément que le compteur continue sa course jusqu'à leurs numéros... Une envie de cannibalisme surgit en moi...

J'ai tenté de lire, le bruit m'a fait abandonner. J'ai tenté de dormir, le siège en bois inconfortable m'en a dissuadé. J'ai observé mon voisin de droite manger des cacahuètes puis se curer les dents du fond avec ses doigts, ça m'a dégoûtée, j'ai replongé dans mon sommeil. A mon réveil, le compteur n'avait pas plus avancé. Je me suis levée et j'ai fait la sauvage comme tout le monde: lancer des regards furibonds, bondir sur le guichet avant que la personne avant moi n'ai le temps de réaliser ce qui se passait. Après tout ça j'ai enfin eu mon récépissé.

Voilà! L'une des choses qui transforment l'Homme en bête sauvage: le service Étrangers de la Préfecture de Bobigny. Avec tout ça, je vois d'un oeil différent les étrangers qui vivent au Gabon. Quand j'y vivais, j'entendais vaguement des histoires de contrôles de papiers, d'expulsion, de carte de séjour sans que ça ne m'émeuve plus que ça. Aujourd'hui, moi-même immigrée, je comprends mieux quelle est la dure réalité de ces "étrangers" au Gabon. Certains oublient trop souvent qu'un étranger est un être humain avant tout...

3 commentaires :

  1. Cynthia la Colombière21 février 2013 à 20:07

    hahahahahhhahahahahahhahha. Yako oh, yako! J'espère que c'est plus soft pour le titre de séjour krkrkrkrkrkrkkrkrrk. La vie est dure oh

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  2. Ta plume! merci pour le rire du soir et YAKO!

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  3. bonsoir
    je ne trouve rien de drole a se recit
    c'est malheuresement la triste verité
    je l 'AI moi meme vecue
    un conseil de me na ge avant la fin de titre
    je doute fort que ds 1O ANS LES CHOSES EVOLUENT
    MERCI pour ton blog!

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