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23 oct. 2012
Africanité - Langue - Identité culturelle.
Je vois depuis un certain déjà une vague d'afrocentricité déferler autour de moi: un amour renouvelé pour une "Egypte nègre", un retour aux sources passant par une affirmation de l'africanité et bien d'autres concepts que je n'ai pas assez étudié pour tenir une discussion à bâtons rompus.
"Le premier instrument du génie d'un peuple, c'est sa langue" (Stendhal)
Sur un plan très pratique, avant d'aller toucher du doigt l'histoire de Nefertari et la Reine de Saba, il faudrait déjà connaître sa propre histoire/culture "proche".
Le constat.
Je suis Fang, l'une des ethnies du Gabon. Mes parents sont Fangs. Mais je ne parle pas Fang. Je dirais que le Français est ma langue maternelle et le Fang est la langue maternelle de mes parents.
On sait tous qu'il est plus facile d'apprendre une langue quand on la pratique dès l'enfance ou quand on est obligé de la pratiquer pour se faire comprendre.
Bien que mes parents soient Fangs et parlent Fang, ils ne sont pas originaires de la même région au Gabon et il y a quelques différences entre le Fang du Nord du Gabon et le Fang de l'Estuaire.
Dans les premières années de ma vie, j'ai grandi en entendant le Fang du Nord et le Français (chez ma grand-mère maternelle). Je commençais même un peu à parler Fang mais c'est vrai que le Français était quand même bien ancré dans ma bouche. Quand on me parlait Fang, je répondais en Français et personne ne m'obligeait à répondre en Fang.
Puis, je suis allée vivre chez les Fangs de l'Estuaire (chez mon père) et là, on va dire que j'étais plus baignée dans le Français que le Fang. Je rencontrais le Fang quand j'allais au village voir ma grand-mère paternelle, mes cousines, tantes, oncles qui parlaient couramment Fang. J'ai découvert d'autres mots différents de ceux que je connaissais pour désigner les mêmes choses. Il m'a fallu apprivoiser ces nouveaux sons. Quand j'essayais de parler Fang, c'était le Fang du Nord qui me venait naturellement à la bouche. Les moqueries qui accueillaient mes vagues baragouinages ont bien fini par me frustrer. Oui, entendre tout le temps "aaah ça c'est quel Fang que tu parles comme ça?! ahah pardon, parle en Français c'est mieux hein!" n'est pas une grande source de motivation. J'ai donc laissé tomber. Je parlais Français et tout le monde comprenait.
Mais voilà, aujourd'hui, je regrette de ne pas avoir persévéré. Au final, je peux chercher des coupables, je peux en trouver et je peux même m'auto-flageller mais la situation est bien celle-là: c'est à moi de faire la démarche. Je comprends quand on me parle Fang mais je ne peux pas répondre (ou je galère bien pour trouver les mots, les conjugaisons, les tournures de phrases). Dans ma lignée, la langue Fang s'éteindra avec moi si je ne fais rien.
Mais que faire?
Je vis en France et je ne peux pratiquer avec personne. Une langue se pratique. J'en viens même à perdre le peu de mots que je connaissais.
Quand on me dit: "tu n'es pas une vraie Fang", que puis-je répondre? Je ne sais même pas parler Fang (ni l'histoire du Mvett mais ça c'est un autre dossier).
Quelques choses me consolent un peu:
- je connais mon arbre généalogique jusqu'à la 7e génération,
- je connais le clan de ma mère et celui de mon père (et du coup le mien).
- De mes rares séjours au village, j'ai appris le processus de confection des bâtons de manioc (du déterrage des tubercules à la mise en feuilles), la pêche à la nasse à la rivière, courir après un poulet, le tuer, le déplumer, le vider et le cuisiner, danser le Mengane...
Une chose que j'ai notée, c'est la supériorité que je lis dans les yeux de ces Fangs capables de parler couramment Fang et Français. Ils me regardent avec l'air de dire: "Qu'est-ce qui te définit si tu ne sais même pas parler ta véritable langue maternelle?"
j' trop ta façon d'écrire. Tu le comprends, même si tu ne le parles pas. C'est bien, les autres devraient t'aider au lieu de se sentir supérieur. C'est un peu comme le créole, je parle, mais j'écris pas(est ce ma faute, avant on ne l'apprenait pas a l'école), et je ne c pas le lire. Cherche des chansons, des films, des vidéos
RépondreSupprimerOui les chansons m'aident beaucoup
SupprimerJe pense que ce probleme est typique des pays qui n'ont pas de langue nationale ou commune. Je ne connais pas le Gabon, je ne sais pas quel est le degré de pratique des langues traditionnelles chez les jeunes, mais je sais qu'en France,un groupe de gabonais qui se retrouve parle en français, pareil pour les ivoiriens ou les camerounais (le français est bizarre mais bon, lol). Contrairement à des sénégalais, des centrafricains, des congolais, des guinéens, des Béninois, des maliens etc, qui vont spontanément parler leur langue en communauté. Et c'est rare de trouver de ces ressortissants ayant vécu un minimum dans leur pays et qui ne savent rien parler d'autre que le français.
RépondreSupprimerAprès, je ne sais pas si les jeunes pratiquent beaucoup leurs langues au Gabon même et que tu fais partie des exceptions.
Deuxième problème, les "métissages". Les gens se marient de plus en plus entre ethnies différentes ou entre pays différents. Ce qui fait que quand les 2parents ont 2langues différentes, ils ont tendance à parler français à la maison (leur langue commune). Résultat, les enfants n'entendent que le français.
Toujours est il que dans certains pays, effectivement certaines langues vont s'éteindre rapidement si les jeunes ne savent plus parler...
tu as exactement mis le doigt sur les causes de cette disparition des langues maternelles. Au Gabon, il y a beaucoup d'ethnies et personne ne veut s'hasarder à choisir une langue officielle autre que le français.
SupprimerLes jeunes ne pratiquent plus trop en effet du fait des métissages